POESIE

Une   Rue

 

Une rue bien agitée où les passants sont gris,

Traversant renfrognés, le regard amoindri.

Une houle de visages aux sourires scellés,

Des mains qui portent des cages de mots souvent voûtés.

 

Une rue bien embrouillée aux refrains de moteurs,

Une rue très maquillée de fumées, de rancoeur,

Une rue toute barbouillée de pas désordonnés

Qui piquent la chaussée, comme des becs d'échassiers.

 

Une rue comme un essaim bourdonne d'habitudes,

Chacun sur son destin, la frime en altitude.

Une rue semée de foules où germe l'égoïsme,

Pleine d'épaules, en boules, l'orgueil au paroxysme.

 

Une rue comme des milliers, dans cette belle Europe,

Parcourue de souliers cirés comme l'amour propre,

Une rue immaculée où les ventres sont gras.

Une rue désinfectée de toute forme d'émoi.

 

Une rue où je n'suis rien qu'un maillon de la chaîne,

Dans le grand va-et-vient du stress qui m'entraîne,

Une rue jonchée de feux où s'arrêtent mécaniques,

Des gens qui font la queue d'un air automatique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ET SOUDAIN

 

Un coup de frein puis des pneus gémissants.

Le décor avait faim d'événements frémissants.

Sous les roues d'une voiture, le corps d'un jeune enfant,

A mes pieds, une chaussure, petit berceau de sang.

 

Quelques coeurs ont frappé sous des chemises pâles,

Quelques cris ont troublé de grandes amygdales.

J'ai embrassé une vieille en larmes effilochées.

La rue n 'est plus pareille, elle s'est humanisée.

 

Combien de coquelicots faut-il sur des pavés,

Pour que, dans un  sursaut, l'on se donne un baiser ?

Sans se connaître vraiment, seulement pour s'épauler,

Loin de tout ce qui ment, en toute honnêteté ?

 

Mahlya de Saint-Ange